Elle attend une lettre.
Je ne sais pas depuis combien de temps. Des années, peut être même une vie, où elle se serait oubliée avec le temps devant elle, en fuite.
Elle vit sur les bords de l’île, avançant sans visage, sans voix, effacée d’elle-même comme absente, passant le temps comme un seuil, absorbant le monde. A la rencontrer quelque chose de soi disparaît, sans qu’on ne le sache vraiment.
Son corps est de sable, et le grain de son âme s’éparpille, comme une frondaison d’où elle naîtrait sans cesse, devenant plutôt qu’avançant, s’épanouissant comme un arbre qui dans la solitude trouve la beauté.
Elle aime regarder la ronde des jours et des saisons, les farandoles du temps, se tenant dehors, prenant tout dedans. Là, l’obscurité des mots la traverse :
Dans les moments séparés des autres, je suis au plus près d’eux ; autant que le monde tient dans un seul galet.
Un seul galet, blanc ou bleu. Une énigme qui se pose à la main à palper la pierre, la tourner et la retourner sans fin, assise vers le ciel en fleur courbée. Un rapport charnel avec dans cette paume comme un sein rond ou une finitude, la vie résumée.
Un galet, une extrémité de tout ce qui entoure, et elle était cela en poing fermé, ce qui entoure, le vide pour une fois rejeté derrière ses mains.
J’aime cette solidarité de chair et de pierre, de solitudes.
Et cette lettre qui ne venait pas….Elle se remit debout.
L’horizon est une courbure devant et dedans les yeux.
Pourquoi cela, les nuages ourlés, l’arc des collines, le soleil rond, les vagues en auréoles sablées, les oiseaux enveloppant l’air dans les rouleaux de leurs ailes …
Pourquoi, ces enrobés de paysage, ces circulaires, ces arrondis, ce relâchement dans la ligne, cette rondeur partout inscrite, dessinée, ourdie, ces dessins qui tombent ? Est-ce l’amour ou bien, le renoncement ?
Elle attend une lettre. Un petit bateau blanc. Il l’emmènerait enfin dans le monde des vivants.