Il m'est arrivé aussi de penser qu'un livre ne venait pas à moi par hasard...aussi je vous fais partager ce petit extrait de la collection "Petite philosophie du voyage" des éditions Transboréal:
Je me souviens d’avoir passé, avant de quitter la France pour rejoindre Pékin, plusieurs heures dans une librairie .Je devais avoir choisi ce jour là Le Pavillon d’or de Mishima, le Quatuor d’Alexandrie de Durelll (…)….Pourtant au moment de sortir, je ressentis une gêne brutale, une quasi-paralysie qui m’empêcha de les acheter. Je posai le tout sur la caisse, courus dans les rayons, saisis à la va-vit Un barrage contre le Pacifique, La pluie d’été et L’Amante anglaise de duras, deux ou trois autres livres(…). Sans doute les titres, pendant le temps passé dans les rayons, s’étaient-ils imprimés sur la surface intérieure de ma rétine, mais je n’avais aucun souvenir de les avoir vus et certains m’étaient même parfaitement inconnus. Pourtant, c’est sans hésitation que je les pris et je me demande encore aujourd’hui qui a réellement choisi l’autre. Quelques mois plus tard, je repensai à ce moment avec reconnaissance, car la Chine depuis lors s’écrit pour moi avec les mots de Duras.
Je me plais depuis à croire qu’il y a entre les livres et leurs lecteurs, entre les livres et les voyages qu’ils accompagnent, certaines affinités, une forme d’élection à laquelle il n’est pas superflu de se rendre sensible. Il m’a toujours semblé que ces livres-là, ceux qu’en fait on ne choisit pas, savaient venir d’eux-mêmes, qu’ils savaient choisir le moment où ils seraient le mieux lus et qu’on y trouvait le plus souvent, non pas une inspiration, ni même une nouveauté, mais bien plutôt une confirmation qui devient un peu comme, à travers les lignes et selon un sens qui échappe, une exhortation à aller de l’avant.