« Ma tête dont les cheveux sont tous consumés, c’est la caverne d’Ali Baba, et je sais qu’ils devaient être encore plus beaux, les temps où toute pensée n’était inscrite que dans la mémoire des hommes. En ces temps là, pour compresser des livres, il aurait fallu presser des têtes humaines ; mais même cela n’aurait servi à rien, parce que les véritables pensées viennent de l’extérieur, elles sont là, posées près de vous comme une gamelle de nouilles, et tous les Konias, tous les inquisiteurs du monde brûlent vainement les livres : quand ces livres ont consigné quelque chose de valable, on entend encore leur rire silencieux au milieu des flammes, parce qu’un vrai livre renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même.
(…)
ET moi, au pied de la montagne de papier, je me fais tout petit comme Adam dans son buisson, un livre à la main j’ouvre des yeux affolés sur un monde étranger à celui où je me trouvais, parce que moi, quand je me plonge dans un livre, je suis tout à fait ailleurs, dans le texte…tout étonné, il me faut bien avouer être parti dans mes songes, dans un monde plus beau, au cœur même de la vérité. Tous les jours, dix fois par jour, je suis ébahi d’avoir pu m’en aller si loin de moi-même. »
Une trop bruyante solitude, Bohumil Hrabal , pavillons poche, Laffont