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 Si par une nuit d'hiver...2ème partie

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citadelle
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MessageSujet: Si par une nuit d'hiver...2ème partie   Si par une nuit d'hiver...2ème partie EmptySam 07 Fév 2009, 19:12

Italo Calvino « Si par une nuit d’hiver un voyageur » collection points Seuil - Extraits – 2ème partie…


Vous vous souvenez ? j’avais laissé le lecteur d’Italo Calvino, (vous, moi, votre voisin de métro ce matin ou ce soir, bref un amoureux des livres), à la sortie de la librairie avec dans les mains, le précieux livre enfin acheté !!

Eh bien la suite maintenant…Que se passe-t-il quand vous ressortez de la librairie ? Italo Calvino sait décrire avec malice et vivacité, les sentiments qui vous ont probablement agités et les idées qui vous sont passées par la tête lorsque vous avez un nouveau livre (tout frais, tout beau) en votre possession.
lol!

« Voyons comment le livre commence.
Tu l’as peut-être déjà feuilleté un moment en librairie. Ou tu n’as pas pu, parce qu’il était enveloppé dans sa coquille de cellophane ? Tu es dans l’autobus, debout parmi les gens, tenant la poignée d’une main, tandis que de l’autre tu essaies de défaire le paquet, un peu comme un singe qu veut éplucher une banane sans lâcher la branche où il est suspendu. Attention à tes coups de coude ; excuses-toi au moins.

Ou peut-être que le libraire n’a pas enveloppé le livre, et te l’a donné dans un petit sac. Ce qui simplifie les choses. Tu es dans ta voiture, arrêté à un feu rouge : tu sors le livre, tu déchires l’enveloppe transparente, tu lis les premières lignes. Une tempête de klaxons se déchaîne : c’est vert, tu bloques la circulation.
Tu es à ta table de travail, le livre posé comme par hasard parmi tes papiers ; tu soulèves un dossier et tu l’aperçois ; tu l’ouvres distraitement, les coudes sur la table, les poings contre les tempes, on dirait que tu te plonge dans l’examen d’une affaire, et te voilà en train de parcourir les premières pages du roman. Tu t’appuies doucement contre le dos de la chaise, tu lèves le livre à hauteur de ton nez et, le siège en équilibre sur ses pieds arrière, tu poses les tiens sur un tiroir latéral du bureau, ouvert tout exprès – la position des pieds pendant la lecture est de la plus grande importance. Ou bien tu allonges les jambes sur le dessus de la table, au milieu des dossiers en instance.

Mais n’est-ce pas là un manque de respect ? Moins envers ton travail, d’ailleurs (personne ne prétend juger ton rendement professionnel ; on peut admettre que tes fonctions s’insèrent dans le système des activités improductives qui composent une bonne partie de l’économie nationale et mondiale), qu’envers le livre. Encore pis si tu appartiens, bon gré mal gré, au nombre de ceux pour qui le travail est une chose sérieuse, l’accomplissement intentionnel ou sans l’avoir vraiment cherché, d’une activité nécessaire ou simplement utile à la collectivité comme à toi-même : car, alors, le lire, que tu apportes sur ton lieu de travail comme une espèce d’amulette ou de talisman, t’expose à des tentations intermittentes, à soustraire quelques secondes chaque fois à l’objet premier de ton attention, que ce soit une perforatrice de fiches, les fourneaux d’une cuisine, les leviers de commande d’un bulldozer ou un malade étendu, les tripes à l’air, sur une table d’opération.

Il est préférable, en somme, que tu mettes un frein à ton impatience, et que tu attendes d’être à la maison pour ouvrir le livre. Voilà qui est fait. Tu es dans ta chambre, tranquille : tu ouvres le livre à la première, non à la dernière page, tu veux d’abord savoir sa longueur. Heureusement, il n’est pas trop long. C’est un contresens d’écrire aujourd’hui de longs romans : le temps a volé en éclats, nous ne pouvons vivre ou penser que des fragments de temps qui s’éloignent chacun selon sa trajectoire propre et disparaissent aussitôt. Nous ne pouvons retrouver la continuité du temps que dans les romans de l’époque où le temps n’apparaissait déjà plus immobile sans encore avoir éclaté. Une époque qui a duré en gros cent ans, et c’est tout.

Tu tournes le livre dans tes mains, tu parcours le texte du rempli, du rabat de couverture. Ce sont des phrases générales, qui ne disent pas grand-chose. Mieux vaut cela qu’un discours qui viendrait se substituer indiscrètement à celui que le livre doit te communiquer directement, à ce que tu devras en tirer toi-même, riche ou pauvre. Il est vrai que cette façon de tourner autour du livre, de lire autour avant de lire dedans, fait, elle aussi, partie du plaisir de la nouveauté. Mais comme tout plaisir préliminaire, celui-ci doit respecter une durée optimale si l’on veut qu’il débouche sur un plaisir plus consistant : la consommation de l‘acte ou la lecture du livre. »
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