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 comment écrire un roman, Amos Oz

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sylvie
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sylvie


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comment écrire un roman, Amos Oz Empty
MessageSujet: comment écrire un roman, Amos Oz   comment écrire un roman, Amos Oz EmptyJeu 15 Jan 2009, 10:14

Petit, Amos Oz travaillait, le soir, à sa collection de timbres avec son père, peut être que cela induit cette façon de raconter comment il écrit:

«  Au fond, je travaille un peu comme lui. Tel un horloger ou un orfèvre d’autrefois: un œil clos, une loupe cylindrique vissée sur l’autre, des brucelles à la main; sur la table, devant moi, en guise de fiches il y a un tas de bouts de papier où j’ai gribouillé des mots, des verbes, des adjectifs et des adverbes, ainsi que quantité de fragments de phrases, d’expressions tronquées, de bribes de descriptions et d’essais d’associations. De temps ne temps, je pêche prudemment avec la pincette l’une de ces particules, une minuscule molécule de texte que j’élève à contre-jour pour l’examiner à mon aise, je la tourne et la retourne, je la lime et la polis un peu, puis je la replace à la lumière pour l’inspecter encore, je lime encore un soupçon, et je me penche pour l’insérer délicatement dans la trame. Je juge de l’effet sous différents angles. Je ne suis pas entièrement satisfait, je retire l’élément que je viens d’encastrer et j’essaie de le remplacer par un autre mot ou d’intercaler le mot précédent dans une autre niche de la même phrase, je le retire et je le rabote encore un peu avant de le réinsérer dans une autre perspective. Dans une disposition un peu différente. Peut-être à la fin de la phrase? Ou au début de la suivante? A moins de subdiviser la phrase et d’en faire une proposition indépendante, composée d’un seul mot?
Je me lève, je fais les cents pas. Je retourne à mon bureau. Je réexamine la question quelques minutes encore, ou davantage, je rature toute la phrase ou alors j’arrache la page, je la froisse et la déchire en petits morceaux. Je suis découragé. Je me maudis à haute voix, je peste contre l’écriture et la langue en bloc, et puis je remets l’ouvrage sur le métier.
J’ai dit un jour qu’écrire un roman c’est un peu comme construire les montagnes d’Edson avec des Lego. Ou comme édifier entièrement Paris, avec ses monuments, ses places, ses boulevards, ses tours, ses banlieues et jusqu’au dernier banc public, à l’aide d’allumettes.
Pour écrire un récit de quatre-vingt mille mots, il faut prendre environ un quart de million de décisions: non seulement concernant le développement de l’intrigue, qui vivrait ou mourrait, qui serait amoureux ou volage, qui s’enrichirait ou se ridiculiserait, quels seraient les noms, les visages, les habitudes et les occupations des personnages, la division en chapitres, le titre du livre ( c’étaient là les décisions les plus simples, les plus générales), non seulement ce qu’il fallait raconter, passer sous silence, ce qui venait avant ou après, ce qu’il convenait d’exposer en détail ou par allusion ( décisions faciles là aussi), mais des myriades de choix subtils s’imposaient encore, comme par exemple, écrire bleu ou bleuté dans la troisième phrase avant la fin du paragraphe ? Ou peut-être azurée ? Azur? Bleu foncé ? Ou bleu-gris ? Et ce bleu-gris là, fallait-il l’introduire au début de la phrase? Ou valait-il mieux le placer à la fin? Ou bien au milieu? Ou encore en faire une indépendante très brève, avec un point devant et un point après, suivie d’un nouveau paragraphe? Ou était-il préférable que cette nuance soit entrainée par le courant d’une phrase ondoyante et complexe, riche en subordonnées ? A moins de se contenter de quatre mots  « la lumière du soir », sans la colorer de bleu-gris, d’azur cendré, etc ?

Amos Oz Une histoire d’amour et de ténèbres, folio 4265, page 449
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