:réveil: Attention, attention, bouteille à la mer !
Loin du Trois Mâts Goelette La Boudeuse, un message pour le capitaine Franceschi
Je me permets de venir à vous car la reconnaissance c’est peut être de donner à l’autre ce que l’on reçoit de lui dans un étrange parcours qui commence par ce qui se rencontre au-delà de soi.
Le parcours a commencé tout à côté de chez moi, lorsque je me suis promenée sur le quai. Je crois que j’aime bien les bords de monde. Une simple pierre dans la main, ou bien cet espace entre un quai et un bateau, cette juste distance qui ne donne pas envie de la franchir, juste de la respecter, de la regarder autrement. Alors j’ai pris mon appareil photo, tout neuf, dont je ne savais pas me servir, je ne sais toujours pas d’ailleurs, …et bon…. je crois que je serai restée là des heures à photographier ces cordages, ces toiles, ces hublots, cette ancre, ces parois, ces bois …sans savoir pourquoi …si ce n’est qu’ils me touchaient. J’ai d’abord aimé ce bateau. Aujourd’hui je crois que je comprends mieux ce que j’ai eu tant besoin de saisir ce jour là moi qui suis totalement étrangère à la mer, au voyage, aux marins…Toutes ces cordes, tous ces filins, ces filets…….tous ces maillages, ces tissages, ces cordages croisés, enserrés, faits ou défaits, …toutes ces griffures et ces traces sur le bois ou sur le fer, toutes ces marques de rencontres, de frottements de bords de monde……. : tout le bateau donne à voir le lien.
Je vous ai regardés après, ceux de l’équipage, comme ceux qui étaient là à bord après d’autres avant vous et d’autres après vous….et que peut être la boudeuse acceptait de garder et reconnaître, à qui elle voulait bien donner.
Aujourd’hui je vous connais un peu mieux. J’ai regardé vos films. Ceux de la jonque, ceux de la Goélette.
Je garde une seule image. Que je refuse de revoir pour mieux la préserver de toute la subjectivité affective avec laquelle elle est entrée dans ma mémoire, sûrement déformée de la signification, du message que j’ai voulu y voir. Cette image est celle de cet enfant regardant son monde, et déjà son passé, sur votre ordinateur qui projetait vos propres regards de son histoire, puisque c’était vos photographies. Et tout à côté mais en même temps un peu derrière déjà ce chaman qui tout à la fois englobait dans son regard ces trois mondes : le vôtre, symbolisé par votre ordinateur, le sien qui défilait et celui de l’enfant qui existait devant le chaman dans un avenir qu’il avait déjà vu pour lui à sa naissance. Et que d’une certaine façon tout se croisait, se tissait, se rencontrait, l’écran de l’ordinateur aussi bien que les yeux de l’enfant, le regard du chaman autant que celui qui filmait,…et moi aussi qui regardais,…… tous ces jeux de miroirs et d’écrans, ces contorsions de passé, d’avenir, et forcément de ce présent, de ceux présents dans ces bords de monde avec tous leurs espoirs centrés sur cet enfant pour qu’il sache faire se rejoindre toutes ces terres. Peut être que de vous tous, sans le savoir, il était déjà le passeur.
Peut être aussi que si j’ai tant aimé cette image c’est que l’ordinateur n’était là qu’à sa place d’objet. Non comme une fin d’un désir consommé, une objetisation de l’image projetée, mais bien une quête. Une fenêtre qui permettait d’ouvrir toutes ces dimensions évoquées, de projeter nos représentations, nos valeurs, nos croyances, notre humanité qui se cherche en ne sachant plus si sa préservation est dans l’évolution ou bien dans le repérage et l’acquisition de ce qui en fait sa texture.
Voilà je voulais simplement vous donner à mon tour ce bateau de mes mots.
Etre amie de la Boudeuse c’est essayer de reconnaître avec sa façon d’être.
Je suis ainsi pour vous. Ce petit témoignage, de ce que je crois avoir compris de vos voyages.
Très cordialement.