Neige, Roman de Maxence FERMINE :
« SOSEKI
Yuko, tu deviendras un poète accompli lorsque, dans ton écriture, tu intègreras les notions de peinture, de calligraphie, de musique et de danse. Et surtout lorsque tu maîtriseras l’art du funambule.
YUKO
Pourquoi l’art du funambule pourrait-il me servir ?
SOSEKI
Pourquoi ? En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Ecrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Ecrire, c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d’une virgule ou l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe. »