sylvie Admin
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| Sujet: Rainer Maria RILKE Dim 03 Juin 2007, 21:41 | |
| RAINER MARIA RILKE Lettres à un jeune poète Poésie Gallimard « Vous me demandez si vos vers sont bons. Et c’est moi que vous interrogez. Vous avez, auparavant, demandé l’avis à d’autres gens. Vous avez envoyés ces vers à des revues. Vous les comparez à d’autres poèmes, et vous êtes inquiet lorsque certaines rédactions refusent vos essais. Puisque vous m’avez autorisé à vous donner quelque conseil, je vous prierai de cesser tout cela. Votre regard est tourné vers l’extérieur, et c’est d’abord cela que vous ne devriez désormais plus faire. Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n’existe qu’un seul moyen : plongez en vous-même, recherchez la raison qui vous enjoint d’écrire ; examinez si cette raison étend ses racines jusqu’aux profondeurs les plus extrêmes de votre cœur ; répondez franchement à la question de savoir si vous seriez condamné à mourir au cas où il vous serait refusé d’écrire. Avant toute chose, demandez-vous, à l’heure la plus tranquille de votre nuit : est-il nécessaire que j’écrive ? Creusez en vous-même en quête d’une réponse profonde. Et si elle devait être positive, si vous étiez fondé à répondre à cette réponse grave par un puissant et simple « je ne peux pas faire autrement » , construisez alors votre existence en fonction de cette nécessité ». « La solitude qui enveloppe les œuvres d’art est infinie.(…) Seul l’amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit. » « (…)donnez raison à vous et à votre sentiment, et si toutefois vous avez tort, c’est la croissance naturelle de votre vie intérieure qui lentement et avec le temps, vous conduira vers d’autres conceptions. Conservez à vos jugements leur évolution propre, leur développement calme et sans perturbation, qui, comme tout progrès, doit avoir de profondes racines et n’être pressé par rien ni accéléré. Tout est d’abord mené à terme, puis mis au monde. Laisser s’épanouir toute impression et tout germe d’un sentiment au plus profond de soi, dans l’obscurité, dans l’ineffable, dans l’inconscient, dans cette région où notre propre entendement n’accède pas, attendre en toute humilité et patience l’heure où l’on accouchera d’une clarté neuve : c’est cela seulement qui est vivre en artiste, dans l’intelligence des choses comme dans la création. Le temps n’est plus alors une mesure appropriée, une année n’est pas un critère, et dix ans ne sont rien ; être artiste veut dire ne pas calculer, ne pas compter, mûrir tel un arbre qui ne presse pas sa sève, et qui, confiant, se dresse dans les tempêtes printanières sans craindre que l’été puisse ne pas venir. Or il viendra pourtant. Mais il ne vient que pour ceux qui sont patients, qui vivent comme s’ils avaient l’éternité devant eux, si sereinement tranquille et vaste. » | |
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